Élargissement des droits des travailleurs handicapés en milieu protégé : une conquête sociale majeure, un défi pour le modèle des Établissement et service d'aide par le travail (ESAT)
Rendre notre société toujours plus inclusive pour les personnes handicapées est un impératif moral autant qu’un objectif politique de premier plan. C’est une question de reconnaissance et de dignité pour les travailleurs handicapés.
Ne dit-on pas que le degré de civilisation d’une société se juge à la façon dont elle traite ses membres les plus fragiles ?
Le projet de loi pour le plein-emploi, voté à l’Assemblée nationale mardi 10 octobre, comporte un volet essentiel, dont on a pourtant trop peu parlé : la convergence des droits des travailleurs handicapés en milieu protégé avec les droits des salariés du milieu ordinaire.
Après des premiers jalons posés en 2022, ce nouveau texte va beaucoup plus loin en transposant directement aux Établissement et service d'aide par le travail (ESAT) des dispositions du code du travail et en offrant de nouveaux droits collectifs aux travailleurs : droit de grève, droit de retrait, droit d'adhérer à un syndicat, prise en charge des frais de transport, des titres-restaurant et des chèques-vacances ; ou encore la couverture obligatoire des travailleurs par un contrat collectif de complémentaire santé.
Ces nombreux progrès, majeurs et indispensables, représentent une véritable révolution dans le monde des ESAT, il ne faut pas sous-estimer leurs effets déstabilisants sur le modèle de fonctionnement des ESAT en France et singulièrement dans le Finistère.
Si nous ne voulons pas que cette convergence des droits des travailleurs en ESAT aboutisse à un dévoiement de leur mission - les ESAT ne sont pas et ne sauraient devenir des entreprises à but lucratif - il faudra être vigilant à préserver pleinement la dimension, inhérente à leur fonction, d’accompagnement de la personne dans son parcours de vie, en fonction de ses besoins et de ses envies. Plus simplement, si nous souhaitons que les ESAT évoluent et renforcent leur rôle dans les parcours d’inclusion, il faut qu’ils puissent survivre budgétairement.
Or, les mesures portées par le texte « Plein Emploi » ont des effets importants sur la masse salariale ; de même que l’augmentation des autres coûts supportés par les ESAT, et ce, sans que les tarifs pratiqués par les ESAT soient comparables aux prix du marché. L’équilibre financier des établissements est donc en danger.
Dès lors, il semble évident qu’un puissant accompagnement budgétaire de l’État sera nécessaire pour accompagner la transition vers un modèle d’ESAT plus ouvert et plus inclusif. L’entrée en vigueur des nouvelles mesures de convergence sera, bien sûr progressive ; toutefois, la situation de nombreux établissements se révélant déjà très précaire, il est légitime de s’inquiéter de leur viabilité à moyen terme.
Retrouvez également ici mon courrier à la Première Ministre, Elisabeth Borne, pour demander une analyse précise de la situation des ESAT du Finistère afin de proposer un accompagnement adapté à chaque établissement.